Je ne
suis pas certain que nos compatriotes soient absolument conscients
des graves
inconvénients que représente l’inquiétant phénomène de
concentration des media auquel nous assistons depuis une vingtaine
d’années. Il semble malheureusement que ce phénomène touche
pratiquement toutes les démocraties. C’est ainsi que l’immense
majorité de tout ce qui s’imprime, se lit, s’écoute à la
radio, ou se regarde à la télévision, se trouve entre les mains
d’un nombre très réduit de magnats (les tycoons aux Etats
Unis) des media. Quoiqu’on pense de le probité des propriétaires
des grands media, on ne peut s’empêcher de se dire que
cela doit grandement contribuer à restreindre le spectre des
informations qui nous parviennent chaque jour. Autrement dit,
nous disposions autrefois d’un vérutable arc-en-ciel d’opinions
en lisant la presse. De nos jours, le spectre s’est singulièrement
réduit et la couleur de ce qui nous parvient me semble gravement
monochrome. De nos jours, il ne reste pratiquement plus de presse
réellement indépendante à quelques rares exceptions près, comme
le Canard Enchaîné qui reste la propriété de ses journalistes
et qui ne dépend pas de la publicité. Le plus génant de ce processus,
semble t’il, inéluctable de concentration des media, n’est
pas réellement apparent. Il est dissimulé et l’on ne voit
que la partie émergée de l’iceberg.
En réalité, les media sont actuellement la propriété d’un
entrelac très complexe de quelques personnages qui sont eux mêmes
très interdépendants par des liens d’amitiés, d’intérêts
politiques ou financiers. Bref, tout ce petit monde se connaît,
s’estime, se rencontre dans les conseils d’administration
ou dans les ministères et éventuellement assiste au marriage de...etc.
Tout cela est d’une telle complexité que je mets au défi quiconque n’est
pas spécialiste de s’y retrouver.
J’en donnerai quelques exemples ci-dessous, mais il me semble que le
meilleur travail sur cette question a été publié par Janine Brémond de l’Observatoire
des Media. Lisez cet
article et vous serez édifié.. ou effrayé ! L’article
de Wikipedia est assez bien fait, lui aussi.
Bon. Pour nous montrer que nous ne sommes pas les
seuls dans ce cas, rappelons nous que 90% du marché des médias
américains sont dans les mains de six conglomérats : Disney, Viacom,
Time Warner, Bertelsmann et la General Electric. L’Australo-américain
Rupert Murdoch n’est pas seulement un “tycoon” des
medias américains (presse, radio et télé) mais c’est aussi
un magnat de la presse au niveau mondial, spécialisé notamment
dans les tabloïds (la presse de caniveau comme nous disons).
Néanmoins, on pourrait se dire qu’il existe
au moins une réelle concurrence entre ces différents propriétaires,
ne serait-ce qu’au plan des affaires. C’est sans doute
le cas en amérique mais absolument pas pour la petite france. Dans
notre doulce france, quelques grands groupes (Lagardère, Dassault...)
se partagent l'essentiel des médias. Les neuf principaux groupes
de presse français réalisent un chiffre d'affaires qui se situe
entre 2,2 milliards d'euros et 280 millions d'euros. Par ordre
décroissant de chiffre d'affaires, il s'agit d'Hachette Filipacchi
Médias (Lagardère), de la Socpresse (Dassault, 70 titres dont Le
Figaro), du groupe Amaury (Le Parisien), de Prisma Presse, du groupe
La Vie-Le Monde, d'Emap Media, de Bayard Presse, d'Ouest-France
et de Sud Ouest.
Mais comme je vous l’ai dit, les liens entre
les différents partenaires sont à la fois nombreux et complexes.
Prenons un exemple : Le cas de
TF1, la chaîne favorite de beaucoup de français. Le principal
actionnaire (41% du capital) de TF1 (avec TMC et le groupe AB)
est Martin Bouygues comme chacun le sait. Les groupes Pinault
et Arnault sont par ailleurs actionnaires de Bouyghes. Bernard
Arnault dirige le groupe LVMH qui contrôle La Tribune. Il est
très proche de Nicolas Sarkozy. D’autre part, le pâtron
du pôle de presse de LVMH est Nicolas Bazire ancien directeur
de cabinet de Balladur et vieil ami de N. Sarkozy...Bref, une
grande partie du gratin industriel et politique français se trouve
lié de près ou de loin à l’ensemble des médias de l’hexagone.
Si on est optimiste on se dit que tout cela n’est
pas bien grave car il s’agit de magnats dont la probité ne
peut être mise en doute. Il est certain que ces hommes bien connus
doivent faire peuve d’une grande indépendance vis à vis de
la presse et laisser la bride sur le cou à leurs rédacteurs en
chef et à leurs journalistes. Malheureusement, il faut être un
peu naïf pour croire que les choses se passent ainsi. Et ceci pour
au moins deux raisons, hélas, justifiées par des faits incontontournables
:
- Tout d’abord le phénomène d’autocensure
: Les opinions des magnats de la presse en question sont bien
connues tout comme leurs amitiés réciproques sur l’échiquier économique
et politique. Dès lors, il existe une forme insidieuse d’autocensure
qui fait qu’aucun journaliste qui tient vraiment à son
job n’aura le courage ( ou l’inconscience) de proférer
des idées qui vont à l’encontre de celles, bien établies,
de son grand patron... ou de l’un de ses amis. On a assité à un
exemple récent de ce type de comportement. Ce serait suicidaire
! Terminée, l’indépendance de la presse !
- Hélas, il y a des précédents pour lesquels la
censure n’a pas été de l’autocensure mais de la pure
et simple censure, largement étalée (par des journalistes courageux)
sur la place publique. Il existe aussi des discours extrèmement
inquiétants pour la noble idée de l’indépendance de la
presse. En voici un exemple : Tout le monde connait Serge Dassault,
le fils de Marcel du même nom, grand avionneur devant l’éternel.
Serge Dassault est évidemment PDG de Dassault mais aussi le patron
de la Socpress (70 titres dont Le Figaro). Le vendredi 15 decembre
2004, ce dernier s’est laissé aller à quelques confidences
sur France Inter sur sa déontologie de patron de presse.
Il a dit, textuellement, ceci :
"Les
journaux doivent diffuser des idées saines" et les "idées de gauche ne sont pas des idées
saines"
Comme les journalistes présents s’inquiétaient de cette affirmation
qui équivaut à priver, à peu près, un français sur deux du droit d’écrire
dans les journaux, il clarifia sa pensée :
"Ce n’est pas de la désinformation", a-t-il expliqué. Pour lui, les "idées
saines" sont "les idées qui font que ça marche". Les "idées de gauche", en revanche, "ne
sont pas des idées saines" et "nous sommes en train de crever à cause des idées
de gauche qui continuent", a-t-il affirmé.
Voila qui a le mérite d’être clair ! Et qui
doit nous ôter nos dernières illusions sur la pseudo-liberté actuelle
de la presse. C’est donc un fait, à quelques exceptions notables
près, elle n’existe plus !
Je suis persuadé que cette concentration pernicieuse des médias expliquent
un certain nombre d’évolutions atuelles :
- La décroissance persistante et, semble
t’il, inéluctable, de quelques pourcent par an de l’audience
des grands médias, surtout de la presse écrite. Ce phénomène
semble concerner l’ensemble des pays développés où les
médis ont été concentrés. Peut-être que les lecteurs en ont
assez de retrouver les mêmes opinions, les mêmes nouvelles,
les mêmes analyses dans tous les médias, au même moment.
- La prolifération actuelle des blogs de
toute sorte dans lesquels ont peut effectivement trouver des
idées différentes et parfois iconoclastes (comme ici) par rapport à ce
que nous rapportent, à l’unisson, les médias.
Enfin, et pour les malheureux qui ne peuvent ou veulent lire les blogs et diversifier
leurs sources d’information, c’est le règne sans partage de la Pensée
Unique !
Qui est, vous l’avez compris, le Grand Satan de l’auteur de ces
lignes !
Alors, cher(e) lecteur(rice), si vous voulez échapper à la
concentration pernicieuse des media, si vous voulez lire des points
de vue alternatifs sur ce qui nous est martelé à longueur de journée
par le biais d’une presse canalisée et contrôlée, lisez ce
blog et ceux de mes amis bloggueurs. Eux et moi, sommes totalement
indépendants et supportons la critique ! Pour nous, (presque) toutes
les idées sont saines !