Gandhi, l'oublié du comité Nobel
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Jeudi 15 octobre 2009
Courrier international
15.10.2009 | The Hindu
Après l'attribution du Prix Nobel de la paix à Barack
Obama, le quotidien indien se demande pourquoi Gandhi, apôtre
de la non-violence, n'a jamais été récompensé alors
qu'il a été nommé trois fois.
Gandhi discute avec Jawaharlal Nehru, Bombay, 1946
©
AFP
A l’instar de Barack Obama, de nombreuses personnalités
inspirées par le mahatma Gandhi se sont vu attribuer le
prix Nobel de la paix. Mais pourquoi cet honneur n’a-t-il
jamais été accordé à l’“apôtre
de la paix”, en dépit de ses cinq nominations ? Bien
qu’il ait été sélectionné à trois
reprises, chaque fois, le comité Nobel a invoqué différentes
raisons pour ne pas lui décerner le prix, l’une étant
qu’il “n’était ni un véritable
homme politique ni un militant des droits de l’homme, et
[qu’il] n’a pas véritablement agi en faveur
du droit international”. Gandhi, qui a montré au monde
entier qu’il était possible d’obtenir ce qu’on
voulait par la non-violence et la résistance passive [ce
que l’on appelle en Inde la satyagraha], a été nommé en
1937, 1938, 1947 et en janvier 1948, quelques jours avant son assassinat.
En 1937, le Pr Jacob Worm-Müller, conseiller du comité Nobel,
avait émis un avis négatif. “C’est sans
aucun doute un homme bon, noble et un ascète. Mais, dans
ses actes politiques, certains virages brusques peuvent difficilement être
expliqués de manière satisfaisante par ses partisans… C’est à la
fois un défenseur de la liberté et un dictateur,
un idéaliste et un nationaliste. Il agit souvent comme un
sauveur, mais, soudain, c’est un politicien ordinaire”,
avait-il expliqué. Il avait également soutenu que
Gandhi n’était pas “systématiquement
pacifique” et qu’il aurait dû se douter que certaines
de ses campagnes non-violentes contre les Britanniques finiraient
par dégénérer dans la violence et la terreur
: il faisait allusion au mouvement de non-coopération en
1920-1921 [boycott des marchandises et institutions anglaises] à la
suite d’une attaque contre un commissariat de police à Chauri
Chaura, dans l’Etat d’Uttar Pradesh, qui avait fait
plusieurs victimes parmi les policiers. Jacob Worm-Müller
estimait également que Gandhi se contentait de défendre
les droits des Indiens. “Ce n’est pas un hasard si,
en Afrique du Sud, il a essentiellement milité en faveur
de la minorité indienne, alors que les conditions de vie
des Noirs étaient encore pires”, avait-il indiqué dans
son rapport au jury.
“Il est vrai que, parmi les personnalités sélectionnées,
Gandhi est le plus brillant – on peut en dire beaucoup de
bien. Nous devons toutefois nous rappeler qu’il n’est
pas seulement un apôtre de la paix : il est d’abord
et avant tout un patriote. En outre, nous devons garder à l’esprit
que Gandhi n’est pas un homme naïf. C’est un excellent
juriste et un avocat”, avait écrit, en 1947, le président
du comité Nobel, Gunnar Jahn. En 1948, pour la troisième
fois en onze ans, Gandhi était inscrit sur la liste des
candidats sélectionnés. Après son assassinat,
en janvier de la même année, le jury a dû réfléchir
sérieusement à la possibilité de lui attribuer
le prix à titre posthume. Le comité a finalement
décidé de ne récompenser personne cette année-là,
estimant qu’il n’y avait aucun “candidat vivant
digne d’obtenir le prix”.
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