(Professeur Biologus)
-Alors, mon cher José, vous qui êtes
un opposant particulièrement acharné des OGM, accepteriez
vous de discuter quelques instants avec moi ?
(José)
-Mais bien entendu, professeur Biologus, pas de problème.
Vous savez ,depuis le temps que je milite activement contre les
OGM et que je les fauche à l’occasion,
j’ai eu le temps de réfléchir à la question.
(Biologus)
-Parfait.
Je n’en attendais pas moins
de vous.
Bien. Si vous voulez bien, nous allons scinder le problème
en deux parties. Nous allons d’abord parler des OM, ou si
vous préférez des ONM, les organismes
NATURELLEMENT modifiés. C’est à dire de tous
les organismes vivants dont le patrimoine génétique
a été modifié (un grand nombre de fois) depuis
la nuit des temps.
(José)
-Si vous voulez, mais je ne vois pas où vous voulez en venir
!
(Biologus)
-A ceci : Savez vous, mon cher José que vous êtes
vous-même un ONM, c’est à dire un organisme
naturellement modifié ainsi que moi, d’ailleurs, tout
comme la quasi totalité des êtres vivants de la planète
? Notre patrimoine génétique ou si vous préférez,
nos chromosomes, ont subi de perpétuels échanges
et transformations suite à la reproduction naturelle et
aux croisements de espèces. Tenez, nous savons maintenant
que tous les chiens actuels descendent du loup. Alors quand vous
voyez un caniche vous vous dites qu’il y a eu pas mal de
manipulations génétiques, n’est-ce pas ? C’est
la loi de la vie. Les espèces vivantes évoluent constamment
par changement de leur patrimoine génétique. Aucun
n’est semblable aux autres et ce qui permet l’identification
par l’ADN tant utilisée par la police scientifique.
C’est d’ailleurs ainsi que les espèces se sont
progressivement adaptées à la planète, comme
l’a dit Darwin.
(José)
-Oui, tout cela est bien connu. Mais que cherchez vous à démontrer
?
(Biologus)
-Un peu de patience, s’il vous plait. Nous y arrivons. Donc,
vous en êtes bien d’accord : nous sommes tous des organismes
naturellement modifiés. Regardons maintenant les plantes
qui vous sont si chères : Les plantes comme les arbres ont
aussi fait l’objet d’une infinité de transformations
génétiques, notamment depuis le moyen âge.
Les gens de cette époque, d’aillleurs, avaient la
passion de la greffe. Ils greffaient tout sur tout, avec des résultats
variables, bien sûr. De nos jours, les céréales,
les fleurs et les arbres fruitiers, par exemple, sont tous les
résultats de multiples greffes et sélection d’espèces.
C’est d’ailleurs comme cela que procèdent les
rosièristes qui veulent créer une nouvelle espèce
de rose. Ils font de la manipulation génétique, tous
les jours. C’est aussi comme cela que l’on peut obtenir
des légumes géants comme les poireaux ou les citrouilles.
Bref, si vous regardez bien autour de vous, vous constatez que
nous mêmes et notre environnement vivant, avons tous fait
l’objet d’une infinité de transformations génétique.
Il ne reste plus que de très rares exemplaires de végétaux
(comme la rosa Gallica, pour les roses et quelques légumes)
soigneusement conservés qui n’ont fait l’objet
que de très peu de modifications génétiques.
En bref, mon cher José, vous ne mangez tous les jours comme
vos ancêtres et depuis longtemps, que des organismes “manipulés” (comme
vous dites, au lieu de modifiés) et sans en être malade
pour autant. Nous sommes bien d’accord ?
(José)
-Bon. vous avez sans doute raison. Et alors ? Moi, je ne vous parle
pas des ONM mais des OGM, c’est à dire des organismes
GENETIQUEMENT modifiés. C’est différent !
(Biologus)
-Nous y voila ! Comme je le soupçonnais, c’est le
mot GENETIQUEMENT qui vous gène! Autrement dit et si je
poursuis votre raisonnement, vous pensez que toutes les modifications
NATURELLES c’est à dire obtenus par greffes, fécondations
etc. sont des processus bénéfiques tandis que tout
ce qui est fait directement par l’homme doit être mauvais.
C’est bien cela ? Mais vous devez croire en Dieu pour penser
cela, non ? Notre mère Nature ne ferait, selon vous, que
des bonnes choses tandis que l’homme, apprenti sorcier qui
pourtant ne cesse de faire des greffes, n’en ferait que des
mauvaises. N’est-ce pas ?
(José, un peu géné mais très
affirmatif)
-Hum, pas vraiment ! Mais, je veux bien l’admettre. L’homme
n’a pas le droit de modifier à sa guise les patrimoines
génétiques des plantes que nous mangeons !
(Biologus)
-C’est pourtant ce qu’il fait et depuis très
longtemps. Voyons, vous qui êtes un agriculteur chevronné,
vous avez sûrement remarqué que les blés avec
lesquels nous faisons notre pain, sont beaucoup plus petits qu’autrefois.
Ceci a été obtenu par manipulation du patrimoine
génétique de manière à cultiver des
plantes plus solides et qui résistent mieux au vent.
(José énervé)
-Bon, c’est encore un coup de Monsanto !
(Biologus)
-Non. pas seulement de Monsanto mais aussi de l’INRA (Institut
National de Recherche en Agronomie), en particulier ! Bien et si
je résume, ce que vous reprochez aux OGM c’est d’être
manipulés avec de toutes petites pincettes et sous microscope
et non pas par des greffes ou d’autres procédés.
C’est bien celà, non ?
(José )
-Oui. C’est bien cela. C’est très différent
que de faire des greffes !
(Biologus)
-Désolé. Mais sur le plan de la biologie et du résultat
obtenu, ce n’est pas différent. Ce qui diffère
surtout c’est que nous sommes maintenant capable de voir
et de trier les chromosomes un par un et à la main, puis
d’en remplacer certains par d’autres qui nous paraissent
induire des qualités intéressantes pour les plantes.
Autrement dit de modifier, presqu’à volonté,
le patrimoine génétique des plantes. Par exemple,
pour accroître la résistance à la pourriture,
aux insectes ravageurs et diminuer ainsi l’utilisation des
pesticides, etc. Et aussi, pour acclimater certaines de ces plantes
aux zones arides afin de donner la possibilité de manger à leur
faim aux déshérités du climat. Non, croyez
moi, mon cher José, les OGM ne sont pas différents
des ONM sauf que nous pouvons agir beaucoup plus finement et bien
plus sélectivement que ne le faisaient les manipulations
d’antan et,
(José, l’interrompant, )
-Il n’empêche que tout cela est dangereux pour l’homme,
parce que ce n’est pas naturel ! Ce que la Nature ne fait
pas elle-même, peut être périlleux pour l’homme!
Et puis ce qui est dangereux c’est de substituer des gènes
du règne animal à des chromosomes des plantes, comme
l’ont fait certains savants fous !. Et puis, nous en avons
assez de ce discours qui réduit les êtres vivants à de
simples mécaniques !
(Biologus)
-Encore ? Bien, José, je vous attendais sur ce point. Vous
n’acceptez pas les produits que la Nature n’a pas fait,
elle-même. Pourtant cette Nature fabrique, entre autres,
de la digitaline, de la cigüe et des amanites phalloïdes
qui sont des poisons mortels . Elle fait aussi des mygales et des
serpents venimeux qui ne sont pas très bons pour l’homme.
Elle fait encore du soufre, du chlore, des sulfates et des sulfures,
du methane qui sont polluants ou agressifs etc. D’autre part,
les gènes (animaux ou végétaux) ne sont rien
d’autre que des assemblages compliqués de molécules
d’ADN et autres. C’est une sorte de clef de codification.
Il ne s’agit rien d’autre que de remplacer un ensemble
de molécule par un autre ensemble de molécules.
Quant à ce que vous appelez la “mécanisation” des êtres
vivants et de l’homme, je pense que là encore vous
faites preuve de votre méconnaissance de la biologie : C’est
un fait que les êtres vivants sont constitués d’assemblages
subtils de molécules et de réactions chimiques. Vous
ne pouvez le nier. C’est sur cette admirable construction
que nous travaillons. Par contre, rassurez vous, pour ce qui est
de l’homme, au moins, tout cela est piloté par le
cerveau qui est d’une complexité inimaginable et sur
lequel nous ne possédons que des embryons de connaissance.
Il est donc totalement inconcevable d’avoir une vision “mécaniste” de
l’être humain. L’homme ne peut être considéré simplement
comme une machine même si certains mécanismes peuvent être
compris à partir d’analogies avec certaines machines.
Bref, la biologie moderne conserve à l’homme son caractère
sacré auquel vous tenez tant !
Bon, je vois que vous n’êtes toujours pas convaincu.
Vous êtes toujours partisan de n’utiliser que de produits “naturels” ?
N’est-ce pas ? Bien, dans ce cas, expliquez moi comment vous
vous soignez lorsque vous êtes malade, vous et vos proches?
(José, un peu irrité et qui ne voit pas où Biologus
veut en venir)
-Quelle question! Comme tout le monde, bien sûr. Je prends
des médicaments !
(Biologus)
-Vous prenez des médicaments ? Malheureux ! Mais savez vous
bien que la pharmacopée moderne est presque exclusivement
composée de molécules que la Nature n’a jamais
songé à créer? Eh oui, mon cher José,
vous qui consommez des médicaments qui allongent votre durée
de vie et vous procurent le bien-être, vous n’avalez
que des MCM (Molécules chimiquement modifiées). En
matière de chimie, l’homme a fait bien plus qu’en
matière de manipulations génétiques. Il a
inventé et synthétisé des millions de molécules
nouvelles qui n’existaient pas et que vous consommez tous
les jours (comme les E..., les E... etc.), sans danger apparemment.
Vous ne me croyez pas, parce que vous n’y connaissez rien
en chimie. Tiens, par exemple, croyez vous que le diazepam ou lorazepam
(anti-dépresseurs) que le français consomment exagérément,
paraît-il, existe à l’état natif ? non
! Bien sûr !
Voyez vous, José, les assemblages d’ADN qui constituent
le patrimoine génétique des êtres vivants (animaux
ou plantes) ne sont rien d’autres que les briques de la vie
exactement comme les atomes et les molécules sont les briques
de toutes les substances inertes qui nous entourent. Remplacer
une brique par une autre, c’est faire de la synthèse
en chimie ou des OGM en biotechnologie. Ce n’est pas différent.
Excusez-moi mais votre attitude me paraît un peu incohérente
: Vous acceptez de manger
tous les jours des molécules absolument non naturelles mais
vous ne voulez pas
consommer des OGM ? Vous avez plus confiance dans les chimistes
que dans
les biologistes ? C’est cela ?
(José, un peu déstabilisé mais qui tient à avoir
raison)
-D’abord la chimie, ce n’est pas tout bon .Elle fabrique
des tas d’objets qui
polluent comme les bouteilles plastiques et autres sacs de super
marchés.
(Biologus)
-C’est vrai. Mais ces matières plastiques qui polluent
comme vous dites, servent aussi
à
fabriquer des prothèses, des carrosseries de voitures à déformation
programmée pour
vous protéger, etc. Des milliers d’objets qui permettent à nos
contemporains de vivre
plus longtemps grâce aux médicaments et de vivre aussi
plus confortablement ! Ce
qu’il faut, comme en toute chose, c’est agir avec prudence,
avec circonspection.
Il ne faut pas faire n’importe quoi ! En chimie bien sûr
mais en biologie également.
C’est ce que nous faisons ! Croyez moi, nous prenons d’infinies
précautions.
(José)
-Oui, mais je n’ai pas confiance dans les OGM. D’abord
les OGM ça se reproduit
et se propage. Les papillons et autres insectes s’en nourrissent.
Cela pourrait générer
des MONSTRES !
(Biologus)
-Voyons José ! Je viens de vous expliquer que les races
de blé et de céréales ont été constamment
manipulées au cours des siècles. Avez vous déja
rencontré des papillons monstrueux de trois mètres
d’envergure quand Monsanto ou l’INRA ont fait ( par
croisements d’espèces) évoluer les chromosomes
des céréales ? Les papillons et autres insectes s’adaptent
et évoluent eux aussi ! Et les milliers, ou plus, de modifications
de patrimoine génétique des plantes n’ont jamais
produit ce genre de dommage. Croyez vous que les papillons feront
la différence entre les blés manipulés avec
les techniques habituelles et ceux qui ont été modifiés
avec des pincettes ?
(José qui s’énerve)
-Je n’en sais rien moi, mais ce qui est certain c’est
que Monsanto s’en met plein les poches avec ses saloperies
!
(Biologus)
-Ah mais dites moi, José. Votre attitude anti-OGM ne serait-elle
pas plutôt motivée par votre haîne de Monsanto
et de la mondialisation, plutôt que par des raisonnements
basés sur la science ?
(José, hors de lui)
-Je suis alter-mondialiste, bien sûr. C’est bien connu
! Et alors ?
(Biologus, très calme)
-Il n’y a pas de mal à être alter-mondialiste,
José. Je vous comprends. Il est vrai que la mondialisation
nous amène un cortège d’inconvénients
dont certains sont vraiment dramatiques. Mais pourquoi vouloir
méler la science à tout cela ?
Si je comprends bien, vous voulez utiliser la science (où,
plutôt, ce que vous en savez) pour inspirer la peur et atteindre
des objectifs politiques. Ce n’est pas bien, même si,
hélas, c’est très fréquent ! La science
doit être orientée pour faire le bonheur des hommes
quelles que soient leurs croyances et leurs convictions politiques.
N’est-ce pas ?
Ils se séparent :
Biologus s’en retourne à ses éprouvettes et
José, nullement convaincu, se dit qu’il a encore quelques
champs d’OGM à faucher ....
Conclusion : L’inquiétude de José qui n’est
pas un scientifique averti de ces choses, est compréhensible.
Il redoute ce qui est nouveau et quelque-part, il n’a pas
confiance dans la science qui pourtant a bien rallongé son
espérance de vie. C’est malheureusement assez répandu
et tient, selon plusieurs de mes collègues, à l’obscurantisme
ambiant. C’est très loin d’être nouveau.
Saviez vous que lorsque la machine à vapeur est entrée
en fonction vers 1900, les oppositions à ce monstre de fer
hurlant et fumant qui projetait des éscarbilles enflammées
et mettaient parfois le feux aux chaumes des champs alentour, étaient
extrêmement vives et parfois violentes ? Les José de
l’époque avaient réussi à convaincre
nombre de municipalités qu’il fallait avoir peur du
train. C’est pour cette raison que de nombreuses gares de
province ont été construites loin des centres des
villes, ce qui est vraiment dommage pour les voyageurs. C’est
ainsi qu’on connait Biarritz la Négresse, Orléans
les Aubrais, Saint Pierre des Corps (Tours) et bien d’autres
...
NDLR : Si certains croient se reconnaître parmi les personnages
de l'entretien précédent, il sont prétentieux
et se trompent ! Ces personnages sont presque imaginaires.