24/09/2008
Photos de seins: un crime, en France ?
http://sexes.blogs.liberation.fr/agnes_giard/2008/09/photos-de-seins.html
Pour avoir osé envoyer quatre cartes postales représentant
des seins nus,
l’artiste de mail-art Philippe Pissier est aujourd’hui
passible de trois
ans d’emprisonnement. Il est accusé de trouble à l’ordre
public.

Le mail-art est une forme d’art qui consiste à envoyer
des oeuvres d’art
par la Poste. En juin 2008, l’artiste Philippe Pissier est
invité à
participer à une exposition de mail-art érotique en
Allemagne. Il envoie
donc, dûment timbrées, quatre cartes postales représentant – attention,
attention - le buste d’une jolie femme. Détail fatal:
elle porte sur
chaque sein non pas des piercings mais des pinces à linge… Saisi
d’une
vertueuse indignation, le centre de tri postal porte immédiatement
plainte.
Estimant, sans doute elle aussi, que des images de poitrine féminine
sont pornographiques, Isabelle Ardeef, substitut du procureur de
la
République de Cahors, ordonne une enquête préliminaire.
Convoqué à la
gendarmerie, Philippe Pissier apprend qu’il est passible de
trois ans
d’emprisonnement et de 175.000 euros d’amende, en vertu
de l’article
227-24 du code pénal. Motif : trouble à l’ordre
public et mise en danger
du psychisme des enfants par une oeuvre pornographique.
Philippe Pissier proteste: "Je suis majeur, les employés
du centre de
tri postal sont majeurs, le facteur est majeur et le destinataire
est
majeur. Je ne vois pas où est le problème." Le
voilà pourtant
perquisitionné à son domicile. Le 3 juillet, la brigade
de recherche de
Cahors emporte son ordinateur et quelques dizaines de ses oeuvres.
Depuis... rien. Philippe Pissier, privé de son outil de travail,
attend
de savoir ce que la justice française lui réserve.
Le 11 septembre, un journal local - L’Echo - titre ironiquement
: "Un
dangereux artiste démasqué dans le Lot": "Si
une telle image mobilise à
ce point les forces de l’ordre, à quoi doivent s’attendre
les maisons de
la presse, kiosques à journaux, galeries de peinture et musées,
où la
nudité dépasse souvent abondamment la mise en image
d’une paire de seins,
même ornée de pinces à linge." Le journaliste
rappelle avec justesse
qu’à une certaine époque les papes faisaient
mettre des slips aux
statues et aux anges des fresques.
Dans la Dépêche du Midi, un confrère, Florian
Moutafian, s'interroge
avec angoisse: "Va-t-on fermer les musées, les maisons
de la presse et
arrêter les pubs pour le gel douche (avec poitrines apparentes
bien plus
accessibles aux mineurs)?". Maître Baduel, l’avocat
de Philippe Pissier,
trouve la plaisanterie moins drôle: "Il faut se demander
si la shariah
est applicable à Cahors, dit-il. Je peux comprendre
qu’à Dubai
on
conseille aux touristes d’éviter le monokini, mais en
France?
Sommes-nous donc maintenant en terre d’islam?"
Au tribunal de Cahors, ni le président ni le procureur de
la République
ne semblent au courant de l’affaire. Le substitut, Isabelle
Ardeef,
refuse de communiquer. Officiellement, "l’enquête
suit son cours." Une
enquête qui, probablement, amènera les autorités à interdire
non
seulement les cartes postales grivoises (en vente partout sur notre
territoire) mais l’allaitement au sein (une forme sournoise
et rampante
de pédophilie, à coup sûr). Les mères
ne sont-elles pas coupables de
montrer leurs seins nus à de si jeunes âmes? Scandale épouvantable,
elles se font même titiller les tétons par leur propre
progéniture, dans
le but - soyons-en certains - de se procurer d’inavouables
sensations.

Si vous aussi vous voulez participer de cette grande oeuvre de
restauration morale, je vous suggère d’encourager
les autorités à
combattre les seins nus. Envoyez vos encouragements au TGI de Cahors
sous la forme d’une carte postale. Une suggestion au hasard
: envoyez la
reproduction de ce chef d’oeuvre de l’école
de Fontainebleau - Gabrielle
d’Estrées - montrant la belle Gaby se faire pincer
un téton par sa soeur.
Ce tableau est en libre accès au Louvre où tous les
enfants peuvent le
voir. La Poste portera-t-elle plainte contre vous? Les gendarmes
viendront-ils perquisitionner à votre domicile? L’enquête
prendra-t-elle
un an? ou deux? Récupérerez-vous votre ordinateur
en état de marche
après avoir purgé votre peine? Cela peut sembler
ahurissant - de la
science fiction - et pourtant... Cela se passe en France en ce
moment. |